Choléra, élections & ot' bagay
Oui, je sais, pas plus tard que dans mon dernier article, j’avais dit que je ne parlerais pas du choléra. Mais la sagesse populaire dit qu'il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis, et donc, con, je ne suis pas : CQFD !!!
Plus sérieusement il est impossible au jour d’aujourd’hui (ha, c’est mon pléonasme préféré celui là ! Oui madame, c’est comme ça, c’est peut être bizarre, mais j’ai des pléonasmes préférés !) Donc, je disais, impossible au jour d’aujourd’hui en Haïti de passer à coté d’un de ces deux sujets, c’est dans tous les esprits, dans toutes les discussions, et sur tous les murs même, à travers les affiches de prévention ou les affiches des candidats.
Le choléra donc….pas inconnu pour moi, j’avais déjà rencontré monsieur quand j’étais au Congo. D’ailleurs si l’épidémie avait commencé dans le Sud je me serais peut êtres posée la question, à savoir si ce n’était pas moi et non la Minustah (mission des Nations Unies pour la stabilité en Haïti), comme le dit la rumeur ici, qui avait ramené le choléra dans ses bagages (mais non, en plus, ce n’est pas la même « variété »)
Rapide explication, car il est vrai que le choléra est quelque peu oublié par chez nous. Je vous signale au passage que le choléra c’est aussi le nom d’un excellent album d’Eric Mie ! (un peu de pub au passage ca ne fait pas de mal quand c’est des bonnes choses…)
Et, est-il utile que je précise qu'on n’avait définitivement pas besoin d'en rajouter dans le vase d'Haïti, que ca fait longtemps déjà que la goutte d'eau en trop a tout fait déborder, et que la coupe est pleine...(oui, j’avais envie d’utiliser des métaphores aussi… Peut être un oxymore d’ici à la fin de l’article…suspens !)
Alors, le Choléra, encore appelé « maladie des mains sales ». Vecteur principal : l’eau (sale l’eau…). Symptômes : douleurs abdominales violentes, accompagnés de diarrhées et vomissements violents aussi, qui entrainent une déshydratation très rapide (en quelques heures !! Parce que pour bien faire les choses, on a affaire à la forme la plus sévère !). Pas de traitement prophylactique, la meilleurs solution est donc la prévention : se laver les mains régulièrement, faire bouillir l’eau, ne boire que de l’eau traitée, bien laver les crudités et autres aliments avec de l’eau propre…Tout une série de mesures que la majorité de la population n’a aucunement les moyens de suivre, et c’est pourquoi tout le monde est s’y inquiet de l’ampleur que pourrait prendre l’épidémie dans les camps de réfugiés et dans tous les quartiers pauvres que compte le pays. Le cyclone Thomas et les inondations qu’il a entrainé, n’ont rien arrangé, parce qu’évidemment vous remarquez que ce sont toujours les quartiers les plus pauvres qui sont sujets aux inondations.
Tout le monde est dons mobilisé, prévention & sensibilisation sont les mots d’ordre. Et il y a du boulot. Depuis le début de l’épidémie mes copains haïtiens me font suivre de nombreux textos, tous plus hallucinants les uns que les autres, par faute d’accès à l’information et manque d’éducation. Par exemple, hier, on m’a conseillé de démonter mon téléphone portable et de le passer entièrement à la javel car ce serait un vecteur important de transmission et de contamination. Aujourd’hui, on m’a encouragé à prendre de la pénicilline en prévention. Et puis il y a toutes les rumeurs sur les origines du choléra. La plus répandue, même si depuis des analyses ont démontré que c’était sans fondement, est que ce sont des soldats népalais de la Minustah qui auraient apporter et diffuser le choléra en déversant leur fosse septique dans le fleuve Artibonite, point de départ de l’épidémie,. Mais j’ai entendu aussi que le choléra avait été introduit de manière délibérée dans le pays, à des fins politiques, ou alors que c’était la mauvaise qualité de l’air! A mon humble avis, on ne saura jamais, et ceci deviendra une nouvelle légende urbaine d’Haïti.
C’est là que j’en viens à vous parler des élections. On dit qu’en Haïti, tout est politique. Ce n’est pas loin d’être vrai. Et en tout cas, il est clair que le choléra a complètement contaminé la campagne actuelle.
Les élections (président, députés et 1/3 des sénateurs) doivent se dérouler dimanche 28 novembre prochain. Pour toutes élections, quel que soit le pays ou le continent, on trouvera invariablement presque autant d’analyses et d’avis possibles qu’il y a d’habitants. Et la politique en Haïti, c’est très compliqué : difficile d’avoir une réelle vue d’ensemble, un nombre impressionnant de partis (plus de 100 pour ces élections je crois), donc bon courage pour retrouver ton chemin dans ce labyrinthe de courants, de tendances, d’alliance et de mouvements divers et variés.
Et même si de très nombreux haïtiens ne comptent pas aller voter le 28, parce que si je peux me permettre « faudrait pas non plus que les politiques nous prennent trop pour des cons avec toutes leurs promesses », tout le monde en parle, en discute, analyse, critique, fait courir les rumeurs les plus folles, envoie des textos à tour de bras…..Des longs palabres où au final tout le monde s’accorde à dire que de toute façon, ça fait bien longtemps qu’ils n’attendent plus rien de la part de l’état et que rien ne va changer !
Evidemment, on a le droit à une bonne soupe de promesses, saupoudrée de démagogie, avec une bonne pincée de populisme, comme dans toute bonne campagne électorale qui se respecte à travers le monde. Ici, on aime bien taper (j’entends « taper » au sens figuré du terme, même si ces temps ci, dans certains endroits, c’est devenu au sens propre) sur la Minustah, encore plus vous imaginez, depuis ces rumeurs concernant les soldates népalais et le choléra (fait pas bon être népalais en Haïti à l’heure actuelle), on aime bien critiquer les ONG, l’incurie du gouvernement….
Mais pour en revenir au flinguage des ONG, de la Minustah et des Nations Unies en général (les UN comme on dit ici), les critiquer c’est un peu un sport national. Et même si je ne suis certainement pas leur plus grande fan, je trouve ça vraiment facile, quand j’entends aujourd’hui les politiciens de tout bord, leur mettre tout sur le dos. Ils ont les épaules larges, mais faudrait voir à ne pas abuser. Mais il est vrai qu’il y a de bonnes raisons à accuser la Minustah de tous les maux: caresser la population dans le sens du poil, combler le vide intersidéral que représente leur programme, se déresponsabiliser et ne pas assumer ses propres erreurs « sè pa fot nou, sé fot Minustah la »
D’un autre coté, chaque meeting est l’occasion de mettre un peu d’ambiance sur la place d’armes de chaque ville visitée (ambiance qui malheureusement à tendance à virer au désordre au fur et à mesure que la date fatidique approche) : beaucoup de décibels, grand renfort d’affiches, de tee shirt, de banderoles, groupes musicaux, mégaphones, rara, et boisson….
Ceux qu’on voit le plus, et c’est un constat plus qu’évident à travers tout le pays, c’est Inité. Le parti de Préval, l’actuel président, qui je le rappelle ne peut pas se représenter, et c’est donc son « poulain », Jude Célestin, qui fait campagne pour le poste suprême. Inité, c’est des tonnes d’affiches, de tee shirt, et des moyens plus importants que n’importe quel autre parti. Au niveau des couleurs, on pourrait croire qu’on est revenu à l’époque de la coupe du monde, car ils ont choisi, comme le Brésil, le vert et le jaune.
Samedi par exemple, Jude Célestin faisait campagne aux Cayes : des dizaines de bus remplis à craquer de militants aux maillots marqués du visage de leur leader, une grande scène recouverte intégralement d’affiches, avec d’énormes baffles. On a même eu droit à une distribution massive de Sprite, jetés depuis un camion : perso, j’aurais préféré du Barbancourt ;) Les militants de Michel Martelly (chanteur du célèbre groupe de compas Sweet Micky) ne l’ont pas entendu de cette oreille, et ont organisés au pied levé un contre défilé, avec l’aide de nombreux motos taxis klaxonnant, au son de « Martelly président, pas besoin d’être payé pour voter Martelly, à bas Inité…. ».
Sur les 19 candidats à la présidence, seulement 5 ou 6 sont vraiment représentés et bien visibles: Célestin bien sur, Martelly donc, Alexis (ancien premier ministre), Charles Baker (qui se trouve être presque aussi blanc que moi), Manigat, Voltaire, Chavannes Jeune, et pour les autres, je serais bien incapable de vous donner leur nom.
Voila pour un topo rapide ! La grande question, avant même presque la question des résultats, c’est de savoir comment va se dérouler ce premier tour ? Dans un calme approximatif, avec un peu de désordre, ou alors le grand chambardement ??? Imprévisible…
Et c’est justement ce merveilleux moment qu’ont choisi mes parents, tonton dodo, Mimi, Abel et Josiane, pour venir me rendre visite….Arrivée prévue dans une semaine! Mais pas de panique, je leur ai concoté un chouette programme, et il suffit d’être un minium prudent (interdiction de circuler le jour dit par exemple), et tout devrait très bien se passer pour nous. D'ailleurs, il est impressionnant parfois, de constater, à quel point la vie et les activités continuent en Haïti, malgré des situations, qui au premier abord nous semblerait, à nous, insurmontables.
Et puis, entres autres nouvelles diverses et variées, on peut trouver :
- Après quasiment quatre mois sans électricité, à vivre à la bougie, Alléluia ! l’EDH (Electricité D’Haïti) est revenue à Aquin, ce qui me permet, entre autre, de vous écrire cet article sans guetter avec appréhension la jauge de batterie de mon ordi !
- Notez dans vos agendas : Vendredi 26 avril sur France Culture, journée spéciale Haïti
- Grâce à dieu, euh non, grâce à une connexion internet d’une qualité très honorable ces dernières 24h (jusqu’à ce que j’essaye de publier cet article évidemment, et c'est pourquoi , il n'y a pas de photos pour illustrer mes propos, désolée) vous pouvez dès maintenant avoir l’ultime privilège de visionner en avant première quelques petits films, tournés par la grande réalisatrice que je suis (sic).
Un extrait du match de basket Aquin-Les Cayes, qui s’est déroulé ce dimanche même sur la place d’arme d’Aquin : http://www.youtube.com/watch?v=Wwcif0M0saE
Pour l’anecdote, il y a deux semaines, Aude, ma compère du Sud, qui vit aux Cayes, m’a gentiment ramené dans ma bourgade après un petit weekend passé ensemble. Avec nous, Dairode, joueur assidu de basket de la ville des Cayes, et qui n’a donc pas pu résister à la tentation d’aller faire un tour sur le terrain de basket d’Aquin. Top là man, pif paf pouf, bim bam boum, en ni une ni deux, les contacts étaient pris avec les joueurs d’Aquin, et voilà, deux semaines plus tard : The Match !! Bien qu’Aquin jouait à domicile, on a perdu d’un point, (36/35 pour les Cayes) mais l’initiative était belle ! Bientôt le revanche !!
Un extrait d’une « cérémonie » dans la hutte de l’église de Dieu Bethel (non, non, surtout ne me demandez pas de quelle religion il s’agit) sur l’île de Grosses Cayes : http://www.youtube.com/watch?v=Z3kuRu8t6rw
Un extrait d’une chanson visant à sensibiliser la population à stopper le déboisement, à l’occasion de la fête annuelle des mutuelles de Fonhsud. La chanteuse, c’est Clémentia, une promotrice de Fonhsud, un bout de femme plein d’énergie, qui produit aussi du très très bon miel (pour ceux à qui je l’ai fait gouter en septembre…) : http://www.youtube.com/watch?v=h5XFE08cPU0
Et enfin un extrait d’un spectacle de danse, organisé dans le cadre d’une soirée pour célébrer la fête des guédés, le 1er novembre : http://www.youtube.com/watch?v=SrUZK6V-M_k
Pour votre culture générale, une explication express : les guédés sont les esprits des morts dans le vodou haïtien. Ils sont dirigés par Baron Samedi, le patron du cimetière. La fête des morts, notre Toussaint, est une fête très importante du vodou : de nombreux vodouisants se rendent à cette occasion dans les cimetières, sur la tombe de Baron Samedi entre autre, et bien sur les guédés en profitent pour venir prendre possession de quelques vivants, et le clairin (mauvais rhum) coule souvent à flot.